ODETTE, berrichon-logement en 1938

ODETTE, berrichon-logement en 1938

Messagepar kikicmr » Sam 16 Nov 2019 20:29

Un article du journal l'Excelsior du lundi 13 juin 1938, de Claude Korbé, consacré à une famille vivant sur un berrichon transformé en logement ; le journaliste l'a trouvé en longeant la rive droite de la Seine, en amont de Neuilly (c'est écrit dans le journal de la veille) :

Les Robinson de la Seine
voyageurs immobiles


Retour à la nature

Le bâtiment bizarre, presque carré, se balance au moindre remous. Une grande pancarte : « Défense de monter à bord ». De petites lucarnes gardent le secret de cette péniche mystérieuse. Je m'attarde devant la passerelle...
Soudain, la porte s'ouvre. Une tête méfiante me dévisage.
« Monsieur, voulez-vous me recevoir ?...
Après de courtes palabres, je pénètre dans la demeure taciturne. L'intérieur est sombre et nu, mais propre. Un petit aquarium en verre suspendu à la fenêtre, se reflète dans l'eau. Le poisson rouge qui s'y baigne doit éprouver quelque nostalgie de voir circuler, en dessous de lui, ses confrères libre !
L'homme est maigre, renfermé.
Pourtant, les confidences, longtemps contenues, viennent :
- Je vis là depuis bientôt trois ans. Je suis enfin tranquille, heureux même. Plus de TSF, pas de voisins, plus de discussions politiques. Les gens sont fous, dans les villes. Ils sont habitués à vivre les uns sur les autres, surexcités, assourdis, hébétés...
- Seriez-vous misanthrope, monsieur ?
- Je l'étais, je le suis moins maintenant. Regardez... Vos yeux se reposent, le roulis léger vous berce, calme vos nerfs. En rentrant du travail, vous trouvez le vrai repos, dans la solitude... et vous vous sentez meilleur.
J'ai souvent rencontré cette sérénité neuve, ce détachement bienveillant, parmi les initiés de la vie en péniche !

Pas de concierge !...

ODETTE est une péniche berrichonne, toute drôle, longue et mince, semblable à un cercueil pour géant. C'est une simple famille d'ouvriers qui l'habite.
- Mon mari peut suivre ainsi, pas à pas, les travaux de démolition où il est embauché ! me raconte la femme.
Des cloisons séparent cette roulotte flottante en cinq chambres gentiment meublées et d'une propreté méticuleuse.
- La vie n'est pas toujours facile ! Notre péniche est assez vieille, l'eau s'infiltre. Il faut pomper bien souvent. Un peu de laisser aller, et nous risquerions de couler. En temps de crue, nous devons être à l'affût jour et nuit, car la violence du courant est telle qu'un tronc d'arbre ou une épave contre la coque de notre péniche pourrait bien la briser.
Ambiance sereine et gaie, en dépit de cette vieille. Et l'homme d'affirmer en souriant :
- Ce que nous apprécions le plus dans notre vie de mariniers, et ma femme ne vous l'a pas dit, c'est de ne pas avoir de concierge ! »

ODETTE, curieux spécimen de péniche berrichonne, abri d'une famille d'ouvriers.


(article retrouvé grâce à Retronews)
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