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PROGRES

MessagePosté: Dim 26 Avr 2020 12:53
par kikicmr
Un deuxième bateau construit par Joly à Argenteuil pour le forum, mais qui est en fait le premier construit en fer, à vapeur et équipé d'une hélice avec "monte-et-baisse" système Lacroix ; malheureusement, pas de photo pour illustrer, mais un article paru dans Le Constitutionnel du 11 octobre 1859 (Retronews), à l'occasion du premier départ de ce bateau, le PROGRÈS, en direction de Mons (Belgique), pour aller charger du charbon :

Navigation à vapeur dans les canaux


On lit dans Le Nouvelliste, de Rouen :

Depuis longtemps, on se préoccupe des moyens de remplacer le halage sur les canaux de ces longs bateaux plats, connus sous le nom générique de péniches, par une propulsion plus rationnelle, c'est-à-dire plus rapide et plus économique.
On n'a pas pu penser à appliquer le remorquage en ce cas particulier, parce que d'abord les remorqueurs auraient rapidement détruit les berges des canaux étroits de l'intérieur, et qu'ensuite, il y aurait pour ce moteur contenu une perte de temps trop préjudiciable dans l'attente d'un convoi et dans le passage des écluses.
On a cherché, au contraire, à appliquer directement aux péniches de petits moteurs à vapeur, pouvant seulement les faire se mouvoir à la vitesse ordinaire du halage. Bien que simple en apparence, ce problème présente pourtant deux difficultés capitales : d'abord mettre les rives des canaux à l'abri de l'érosion causée plus ou moins violemment par tous les propulseurs quelconques, ensuite maintenir ce propulseur à une immersion convenable sous les tirants d'eau si variables de ce genre de navires, suivant qu'ils sont légers ou chargés comble.
La différence d'immersion dans ces deux cas extrêmes est parfois de plus de deux mètres, c'est-à-dire presque la hauteur de la coque.

C'est dans ces conditions que le problème a été posé, il y a déjà près de deux ans, à M. Eugène Lacroix, ingénieur-mécanicien de notre ville, et aujourd'hui nous étions appelés à constater la manière dont il l'avait résolu.

La péniche le PROGRÈS n°1, ainsi fort à propos baptisée, est partie hier, à une heure, pour son voyage d'essai de Rouen à Mons, lège et tirant 25 centimètres d'eau, pour revenir chargée de charbon, avec un tirant d'eau de 2 mètres.

Le moteur installé par M. Eugène Lacroix est une petite machine à deux cylindres, de la force de huit chevaux, et d'une forme bien connue en Angleterre sous le nom de Steeple-Engine, machine à clocher ou à châssis supérieur en pointe, portant les directrices de la traverse des pistons. Cette machine transmet le mouvement à une hélice par un système de roues droites et coniques qui, au premier abord, semblerait assez compliqué si on n'en découvrait bientôt l'explication.
Il s'agit en effet de permettre à cette hélice de plonger plus ou moins, suivant le tirant d'eau du navire.

C'est à quoi M. Lacroix est parvenu en la fixant sur un arbre indépendant dont les paliers reposent sur un bâti mobile dans des coulisses verticales. Ce bâti monte et descend dans ces coulisses sous l'action d'une manivelle qui le manœuvre depuis le pont avec une extrême facilité.
Un arbre vertical armé d'une nervure sur laquelle peut glisser un pignon conique maintenu fidèlement, engrené avec son semblable, calé sur l'arbre de l'hélice, sert à transmettre le mouvement qu'il reçoit de la machine, à l'organe propulseur, quelle que soit la position qu'il occupe par rapport audit arbre vertical.

Si l'on considère maintenant que la consolidation du bâtis qui porte l'hélice ne peut s'obtenir qu'en l'enfermant à l'arrière du navire dans une espèce de chambre formée par la coque entaillée dans le sens de sa longueur, on verra bientôt que cette disposition est éminemment favorable à l'amortissement des remous, non pas, à la vérité, sans réduire un peu l'effet utile de l'hélice, mais enfin en supprimant d'une manière absolue ces vagues, si redoutées pour leur influence sur les berges.
En effet, le fonctionnement très satisfaisant du nouveau mécanisme, dans les conditions précitées, depuis le quai d'Elbeuf jusqu'à l'Escure, où nous avons souhaité bon voyage au PROGRÈS n°1, est, ce nous semble, d'un bon augure pour la nombreuse lignée des numéros qui suivront, si les épreuves pratiques auxquelles celui-ci va être soumis réalisent les espérances du constructeur.

Selon lui, la péniche nouvelle pourrait venir de Mons à Paris en six jours, au lieu de trois mois qu'emploient les péniches ordinaires, halées par les chevaux, ce qui, tout compte fait, produirait une économie de 10% dans le prix du transport. On peut se faire une idée de l'importance du résultat qui serait dû à notre honorable compatriote, en sachant qu'une péniche charge en moyenne 240 tonneaux, et que Paris seul consomme 1 500 000 tonnes de charbon qui n'y arrivent pas autrement.